1-C VOIE DE RENNES A COMBOURG ET DOL

1-C   

Voie de Rennes à Combourg

et vers le marais de Dol.     

        Dans les Mémoires d’Outre-Tombe, Chateaubriand citait une voie romaine passant par Combourg.  

       On sait que le site de cette ville fut occupé dès la préhistoire, et la paroisse attestée dès le XIème siècle. De l'époque romaine, de nombreux sites à briques et à tegulae ont répertoriés (voir fin de cet article) dont ce qui semble un vicus aux Cinq Chemins. Un premier château y fut très tôt érigé afin de protéger le carrefour de plusieurs voies romaines (voir voie 1-C, voie 2-G, voie 3-i et voie 3-O). L’une de ces voies,  la 1-C, devait joindre Condate à la côte, à travers les marais de Dol, mais son parcours est assez difficile à situer. 

     Elle aurait pu passer par les communes de Saint-Grégoire, Melesse, Guipel, Dingé, Combourg, Dol-de-Bretagne, le Mont-Dol, et se serait ensuite divisée en deux branches dont une aurait rejoint l’ancien Chemin Dolais, au niveau du Vivier-sur-Mer ou de Cherrueix 

      Nous pouvons également envisager une deuxième possibilité selon laquelle elle aurait d’abord suivi la voie de Rennes en direction d’Alet, puis aurait ensuite bifurqué vers Combourg, aux environs de Hédé, endroit où elle aurait pu se séparer de la voie menant de Rennes à Alet (voie 1-B). 

      Son existence en tant que voie romaine n’est pas certifiée mais, pendant le Moyen Age, elle fut une des routes qui transportaient le sel vers l’intérieur de la Bretagne, ce sel dont on avait tant besoin pour la conservation des aliments. Je ne répéterai jamais assez que l’époque du Moyen Age fut très pauvre en constructions routières, et qu’elle se contenta le plus souvent de reprendre les tracés antérieurs. Autre présomption à l'existence de cette voie, les Romains étaient de grands consommateurs de produits de la mer, huîtres et poissons souvent appréciés vivants, d’où la nécessité de moyens de transports rapides vers les villes.   

    L’origine romaine de noms comme le Vivier-sur-Mer, en latin Vivarium, pourra nous donner un élément d’explication. Des découvertes faites dans les environs de Cherrueix (1) montrent que dès l’époque romaine, une pêche artisanale se pratiquait dans des pêcheries, longs couloirs de branchages qui piégeaient le poisson dans des nasses. Ensuite le poisson était conservé vivant dans des bassins ou alors il était séché et salé. La configuration du marais de Dol ainsi que celle de la baie du Mont-Saint-Michel se prêtaient bien à ce type de pêche, pêche qui était encore pratiquée il y a quelques années.

 pêcherie cherrueix

 pêcheries, Cherrueix

traces d'anciennes pêcheries 

     Quant au sel, son exploitation se faisait par évaporation ou par cuisson de la tangue des grèves sur des plaques de métal, afin d’accélérer le procédé que l'on appelait briquetage. Le gisement de Roz-sur-Couesnon, ainsi que l’ensemble du marais, fut exploité de longue date, bien avant l’occupation romaine. On en a repéré des gisements d'argile cuite rejetée après la cuisson des briques de sel (voir voie 1-D).

 

la tangue

     Des fouilles archéologiques ont montré l’existence très ancienne des communes de Dol-de-Bretagne, Cherrueix et Cancale, ainsi que l’importance de Combourg, à la croisée de plusieurs voies.  

     Notre voie empruntait d’abord le tracé de la voie menant vers Alet et Corseul, s’en détachait ensuite après Saint-Grégoire, longtemps appelée ville-Rouge, pour continuer vers le nord en direction de Melesse.  Au nord de Melesse, on peut en retrouver les traces sous la forme d’un chemin vicinal qui se continue vers le nord pendant 800 m, depuis les Bas-Colliaux jusqu’au Feuil, et pendant un kilomètre encore, cette fois sous la forme d’un chemin rural. La voie passe par le Haut-Chemin, au nom caractéristique, traverse la rivière au hameau du Plessis et sert ensuite de digue à l’étang.

       Elle traverse le ruisseau de la Touche au gué du Chêne-Vert (100 m plus à l’est, un autre gué est visible au lieu-dit la Rivière). Pendant un kilomètre, direction nord, on peut encore la suivre en direction de la forêt, passant par le Chemin-Herbu. On notera deux chemins parallèles espacés de 100 m. La traversée du bois de Cranne se fait par ces deux chemins toujours parallèles, qui suivent la direction du hameau de la Guéhardière

 

     Après la forêt, il ne subsiste plus qu’un seul chemin. Il s’infléchit vers le nord-ouest comme chemin vicinal, en direction de Guipel, pendant 1 200 m, puis sous la forme d’un chemin rural qui conduit vers le Gros-Chêne.

     La voie se continue ensuite pendant encore 1 500 m, jusqu’à Guipel, où elle croise le Chemin Horain (voie 3-P). 

    Au nord de Guipel, on notera les lieux-dits le guéet la Motte, et 2500 m plus loin, l’intersection avec ce qui semblerait être une autre voie, en tous cas un vieux chemin orienté est-ouest et qui sert de limite de communes. On peut le suivre pendant environ six kilomètres vers l’ouest, en direction de la forêt de Tanouarn.  

     La voie de Rennes à Dol disparaît ensuite, mais on peut deviner son tracé vers le nord, par la Plousière et le Pont-de-la-Chaussée, à l’est de Dingé. Quelques villages au nom caractéristique encadrent Dingé : la Poterie, la Barrerie et le Tertre.

     Puis nous arrivons au Vieux-Châtel, au sud-est de Combourg après avoir suivi le chemin vicinal parallèle à la D82, à 200 m de celui-ci, sur une distance de 2 500 m. C'est au Vieux-Châtel que se trouvait le château primitif qui protégeait le site de Combourg, avant le XIème siècle. On en a retrouvé les traces et on peut imaginer que ce château occupait l'emplacement d'un castrum plus ancien encore, destiné à surveiller le croisement des voies. Ce chemin passe ensuite à Tréheuc et à la Rochelle, avant d'arriver à Combourg. 

              

Combourg

   Combourg, la voie passait au sud de l'étang.           

        C’est à Combourg que je situerai l’intersection de la voie avec celle de Corseul à Jublains (voie 2-G).

    Nous avons sur ce site la preuve d’une occupation humaine depuis la plus haute antiquité (découvertes préhistoriques au village de Chevrot) et surtout à l’époque romaine (ateliers de tuileries aux Champs-Moiteaux, fonderies de fer, villa des Cinq-Chemins, temple de la Haute-Boissière). Le nom même de Combourg (Comborn) viendrait du Gaulois Cumba et Bodina ou Borne (traduction, la vallée frontière), c’est-à-dire l'endroit qui formait la limite entre deux pays, à savoir ceux des Riedones et des Coriosolites (2) 

    Après Combourg, la voie se continue, sous forme de fragments de chemins alternant avec des limites de champs, visibles sur le cadastre. En direction du nord, nous apercevons, 100 m à l’est de Lourmais, le lieu-dit la Barre, dont l’étymologie pourrait indiquer un lieu de péage, et juste après, au nord, les Portes. Encore 200 m puis nous arrivons au  Pas : traduction, le passage, la traversée. Ensuite vers le nord, le chemin coupe la route départementale D9, menant de Bonnemain à Cuguen.  

      La voie passe, un kilomètre après, à proximité des Hautes et Basses Diablaires, puis elle traverse 600 m plus loin le village des Rieux (3). 1 500 m encore et elle arrive au Pont-Melin, et ensuite, en suivant les limites de communes, au Bas-Bouillon, sous la forme d’un chemin vicinal orienté sud-nord, qui conduit au hameau de Saint-Léonard, village aux maisons à l’architecture très ancienne.

    A la sortie de Saint-Léonard, 200 m plus loin, le chemin rural reprend, traverse le Loup Pendu, puis se suit comme limite de champs et de communes jusqu’à la Brûleraie de la Chapelle. Le chemin disparaît pendant 200 m, réapparaît à la Chapelle Cobat et se suit pendant environ deux kilomètres, direction nord. Il coupe la route départementale D8, 200 m plus loin, continue en face pendant 800 m, vers les Haies, rencontre un kilomètre plus au nord la Forêt-Haraut. Enfin, il suit parallèlement la D795, juste à l’est de celle-ci.

   

       En étudiant la carte IGN, nous pouvons remarquer juste à l’ouest, à une centaine de mètres et parallèle à notre chemin, le tracé de la limite des communes, depuis la Morinais jusqu’au nord des Haies, en passant par le château d’Assis. Comme je l'ai expliqué précédemment, les bans de nos communes actuelles ont utilisé les chemins antiques, antérieurs à la création des paroisses. Ces limites étaient ainsi facilement repérables.

      Donc, ici, deux tracés possibles parallèles et très proches l'un de l'autre. Alors, est-ce une déviation permettant à la voie de s’éloigner du ruisseau en saison humide ou un réaménagement ultérieur?        

 menhir champ dolent

menhir du Champ-Dolent

 

      A l’ouest du menhir du Champ-Dolent, le lieu-dit le Pont-Baudry est dans le prolongement de notre chemin. Ce pont a très tôt marqué la traversée de la rivière le Guyoult. Mais, propriété des moines de l’abbaye voisine, il était à péage et donc réservé aux plus fortunés. Alors nous trouvons sur les bords du Guyoult, 500 m plus à l’est, le passage du Petit-Gué, qui nous permettra peut-être de retrouver le tracé d’origine de la route, avant la construction du pont.  

      Il est très possible que le vicus de Dol-de-Bretagne ait correspondu au carrefour routier avec la voie de Corseul à Avranches (voie 2-A).

 Voie

  Dol-de-Bretagne, le vieux pont de l'Archevêque pourrait correspondre au passage de la voie.

      La cité de Saint-Samson existe de très longue date : la tradition prétend qu'un premier monastère aurait occupé l'emplacement de l'actuelle fontaine Carfantin, au VIème siècle. L'emplacement stratégique de la ville au milieu des marais en fait un passage obligé (4).

 rue ceinte Dol

arrivée de Dol, la rue Ceinte

        Nous noterons également, dans les environs, le village du Petit Gué. 

        Au nord de Dol, notre voie devait franchir le Pont-Labbat, puis continuer vers le nord en direction du Mont-Dol (5). Elle en faisait le tour en passant par le Portail.

 

 le Mont Dol, fanum de Mons Jovis à l'époque romaine.

     Elle se continuait vers Cherrueix par les Cours Chasles, le Pont Léchard et la Haute Rue du Marais (6), en suivant l’actuelle route départementale D82.

       La paroisse de Cherrueix est citée dès le IXème siècle, sous le nom de Queruer (Ker-Rue), traduction le village sur la voie. Il s’agit bien sûr du Chemin Dolais qui longeait la côte depuis Alet jusqu’à Avranches, mais il s'agit peut-être aussi de la jonction avec notre voie, venant de Rennes. Preuve à cela, certains historiens ont prétendu que le bourg de Cherrueix s’était développé autour d’une forteresse édifiée par les ducs de Normandie, vers l’an mil, sur les fondations d’un castellum plus ancien 

       A l’est du bourg de Cherrueix, nous noterons le lieu-dit le Bas-Chemin, puis, encore plus à l’est, la Rue.                

       Revenons en arrière, le long du parcours de la voie. Au niveau du Mont-Dol, un embranchement de la voie semble se diriger vers le nord-ouest en direction du Vivier-sur-Mer, franchissant le ruisseau du Guyoult au Haut-Pont, et continuant sur la chaussée surélevée du Pont-Naturel. A l’ouest du Vivier, se trouve le lieu-dit le Châtellier, et au sud, vers Hirel (7), il y a les Grands Chemins. A partir de cet endroit, une ramification pouvait conduire vers Cancale ou Alet, par le Chemin Dolais. Les toponymies des lieux cités sont sans doute quelques preuves d’une origine ancienne de ce dernier tronçon.  

        Cette voie conduisait ainsi depuis Rennes vers les marais de Dol et ensuite rejoignait la côte. A l'époque gallo-romaine comme de tous temps, la mer fut une nécessité économique, les salaires de l'armée romaine ne se payaient-ils pas, d'ailleurs, en sel (8)?

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NOTES SUR LA VOIE :

 

 

arrivée sud de Dol

 arrivée de Dol-de-Bretagne

Dol-de-Bretagne : Certains historiens locaux ont pensé qu'une autre voie venant d'Alet aurait traversé Dol en direction ouest est, puis aurait pris la direction de Fougères par Trans-la-Forêt, Antrain et Saint-Brice-en-Coglès. Il n'en existe aucune trace répertoriée, sinon peut-être un chemin dans la forêt de Villecartier, passant devant une ancienne borne milliaire, au lieu-dit le Pont-aux-Voleurs (voir voie 3-O).

ARCHEOLOGIE :

Melesse :

Guipel : important gisement de tegulae et pilettes d'hypocauste, tessons de poteries à la Ville Morin, tegulae à la Cavalière.

Dingé : plusieurs sites de fonderies de fer à Beaumarchais, la Brosse, la Préfecture, la Butte du Houx, la Butte Ferrière et la Faisanderie. Sites à tegulae à la Bregeonjotte, Brasseillan, Trabouic, Landehuan ainsi qu'à la Ville-Morin.

Combourg : nombreux sites à tegulae sur le territoire de la commune, le Buet, la Vieux-Cour, la Pionnais, la Mariais, la Boissière, le Bas Lizion, Trémaudan, Landrejard, les Fontenelles, Tervaux, Crependel, la Gaverière, la Répichère, la Haute-Bouessière, le Vieux Châtel, la Métairie Neuve, la Croix-Aubin, Landrejard, la Jeanpetitière, la Poissonnière, Saint-Mahé, la Rouerie, Tranmel, Launay Blouin, le Tertre, ainsi que des traces de fonderies aux Rues et au Haut de l'Orée, des ateliers de tuilier aux Champs Moitaux. De plus le village des Cinq Chemins pourrait correspondre à un vicus routier au carrefour d'anciennes voies (site de 25 ha, plusieurs édifices repérés par photo aérienne). 

Dol de Bretagne : villa à hypocauste à la Haie, objets datés du 3ème siècle. Sites à tegulae à Bouillante, au Grand Pont Gérouard, à l'Orme, aux Luzardières, et aux Haies où a été trouvé une statuette de Mercure gaulois.

Mont-Dol : salines (briquetages) à Chanteloup, temple de la déesse Cybèle au Tertre.

RENVOIS :  

(1) Loïc Langouët – Le marais de Dol à l’époque gallo-romaine. 

(2) La paroisse de Combourg aurait été fondée dès le VIème siècle, des fouilles attestent d’une occupation humaine très ancienne. Sa situation au carrefour de plusieurs grands axes en a rapidement fait un centre économique et commercial.

(3) J’ai souvent remarqué que, sur les parcours, apparaissaient des noms de villages ou de lieux-dits qui évoquent les cités situées aux extrémités de ces voies. Il se trouve que Rieux, ancien vicus d’importance au sud de Redon, est dans le prolongement direct de notre chemin.  

(4) L’abbaye de Dol fut fondée au VIème siècle par Saint-Samson. Sur la commune, traces d’occupation très ancienne. Société archéologique d’Ille-et-Vilaine.

(5) Le Mont-Dol a connu une occupation humaine depuis des temps reculés. De l’époque romaine, on a retrouvé les traces d’ateliers de poterie, activité peut-être liée au transport du sel , ainsi que l’assise d’un temple dédié au culte de Jupiter, qui remplaça celui du dieu gaulois Tanaris (culte du taureau).

(6) Sans doute l'évocation d'une chaussée surélevée, dans le marais.

(7) Fouilles de Hirel et de la Fresnais – Loïc Langouët.

(8) Les deux mots ont la même origine latine.

 

 

 

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