2-A VOIE D'AVRANCHES A CORSEUL

2-A 

Voie d'Avranches (LEGEDIA)

à Corseul (FANUM MARTIS)

connue sous le nom de Chemin de Corseul

ou Chemin du Han

 

            Cette voie que ne mentionnent ni la Table de Peutinger ni l’Itinéraire d’Antonin, est encore appelée de nos jours Chemin de Corseul dans les communes de La Boussac et de Baguer-Pican (1). 

         La voie primitive aurait franchi le Couesnon à gué aux environs du village du Pas-de Bœuf, à 1 300 m au nord-est du bourg de Saint-Georges-de Gréhaigne, et à 300 m au sud-ouest de l’étang de Moidrey (voir voie 2-O, d’Avranches à Alet), et elle aurait ensuite été détournée plus au sud vers Pontorson quand l’avancée de la mer rendit le passage trop difficile.

        C’est d’ailleurs à Pont d’Orson qu’en l’année 1030, le duc de Normandie fit construire par son lieutenant Orson un premier pont sur le Couesnon, d'où l'origine du nom de la commune. Pontorson devait marquer l'intersection de la voie avec le Chemin Dolais (voie 2-O) lorsque celui-ci fut également dévié vers le sud.

 

l'église de Saint-Georges, bâtie sur une colline, succède à un monument plus ancien.     

            A la sortie ouest de Pontorson, sur la D576, nous avons le lieu-dit la Chaussée de la Ville-Chérel. 

          Un kilomètre au nord de ce lieu-dit, au niveau de l’échangeur routier des routes N176 et D997, près du lieu-dit les Milardières (2), à 1 500 m au nord-ouest de Pontorson, un chemin rural de deux kilomètres de longueur forme la limite des communes de Pontorson et de Saint-Georges-de-Gréhaigne. Cette dernière paroisse date du XIème siècle. Elle fut à l'origine un prieuré de bénédictines dépendant de l’abbaye Saint-Georges de Rennes, édifié à proximité de l'ancienne voie romaine, au milieu des marais.

       La voie passe ensuite par la Haye, coupe la D90, de Saint-Georges-de-Gréhaigne à Pleine-Fougères, près du lieu Colombel.  Pleine-Fougères, paroisse du VIème siècle, était connue anciennement sous le nom d’Ile-Saint-Samson. On y a exhumé des briques et des céramiques gallo-romaines au village du Léez, ce qui montre bien l'existence très ancienne de la commune. Trop proche de la voie, la commune dut d'ailleurs s’entourer de fortifications à partir du Xème siècle.

 la voie depuis Pontorson (à l'est)  

           La voie disparaît ensuite, reparaît 800 m plus à l’ouest, au Val aux Bretons et là elle recouvre le tracé de la D576, allant de Pontorson à Dol. Elle passe juste au sud du bourg de Sains, au lieu-dit Bellevue.  L’ancienne paroisse de Sains était propriété des évêques de Dol et son existence avérée sous le nom de Sainz remonte au Xème siècle. La ville se développa à l’embranchement avec une autre voie venant de Rennes et conduisant vers les marais salants en direction de Roz-sur-Couesnon (voie 1-D).

            La vieille chapelle Sainte-Anne-des-Grèves, située sur le territoire de la commune de Sains, fut sans doute  construite sur le bord de la voie.

  

Sainte anne

la chapelle Sainte-Anne

        La voie se continue ensuite, formant la limite des communes, pendant trois kilomètres, et traversant successivement les lieux-dits la Boistardière, le Cacogne (3), la Petite Claye et la Guinguette. Puis elle quitte la route sur une longueur d’un kilomètre, en restant parallèle à celle-ci 100 m au nord. Elle passe entre le Tertre de la Claye et les Rousselières, retrouve le tracé de la route actuelle, la quitte une nouvelle fois 300 m plus loin, la longe du côté sud, entre la Brebis Rouge et l’Eguillère, d’abord sous la forme d'un chemin vicinal pendant 1 500 m, puis comme chemin rural pendant deux kilomètres. Elle forme alors la séparation des communes de La Boussac et de Baguer-Pican

   tracé de la voie au sud de Dol

          La paroisse de la Boussac remonte au XIème siècle et son vieux prieuré de Brégain, érigé au XIIIème siècle par des moines bénédictins, est proche de la voie.  L’ancienne voie d’Avranches à Corseul coupe ensuite la D85, de Dol à la Boussac, passe au Pavillon du Breil et à la Moignerais. Elle franchit à cet endroit la voie ferrée de Pontorson à Dol et traverse le ruisseau du Guyoul au lieu-dit le Petit Pont Gerouard. 

 un chemin creux a remplacé la voie (commune de Baguer-Pican)

         Nous noterons, 500 m plus au sud, le village du Tertre Martin dont la toponymie fait penser à un monument religieux routier dédié au dieu Mars. Les monuments religieux romains surplombaient la voie d’où le nom de Tertre, ici employé. Pour Martin, on pourrait y voir le génitif Martis du dieu Mars, dont le nom fut souvent christianisé en de nombreux lieux tels Saint-Marc, Saint-Mars ou Saint-Martin. 

        Sous la forme d’un chemin de desserte en terre, la voie se continue ensuite pendant 1 500 m jusqu’à l’Outinière et au Clos-Angers. Elle disparaît alors pour reprendre 200 m à l’ouest de la route, sur la rive gauche du ruisseau du Guioul. Elle passe au sud des Haies, où elle sert de limite aux communes de Dol et de Baguer-Morvan (4).

 

arrivée sud de Dol

    arrivée de Dol-de-Bretagne   

          Son tracé disparaît à cet endroit, mais on peut quand même encore la suivre comme limite de champs, sur l’ancien cadastre, depuis le Clos-Angers 

          C’est sans doute dans les environs de la Haie que devait se trouver  son intersection de la voie avec la voie de Rennes à Combourg (voie 1-C). A cet endroit, ont été repérées des substructions d'une villa à hypocauste du 3ème siècle.

           Ainsi, nous pouvons noter, au sud des Haies, le village de la Croix-Chemin (lire : la croisée des chemins).

    la voie, de Baguer-Morvan à Miniac

          La voie d’Avranches à Corseul est ensuite coupée par la voie ferrée de Rennes à Saint-Malo,  1 600 m après le Guioul, elle passe à Baguer-Morvan, et se prolonge par un chemin vicinal long de 6 200 m, qui rejoint à la Barre le bord sud de la route nationale N176, de Dol à Dinan. Les noms la Barre évoquent souvent un ancien péage, un passage d’octroi fermé par une barre, barrière placée en travers de la route.  

          A cet endroit, la voie rencontre, le long de son tracé, la Gaudinière, la Touche, la Moignerie, la Chapelle et enfin le Désert où elle croise la route D75 qui relie Plerguer au Tronchet ; elle sert en partie de limite à la commune de Roz-Landrieux d’un côté, et à celles de Baguer-Morvan et Plerguer de l’autre (5). Depuis la Barre, après avoir emprunté un chemin parallèle à la route départementale D676, de Dol à Dinan, jusqu’au Chêne, elle suit ensuite la route actuelle, traverse la D73 au Carrefour de la Butte, longe la Butte de Miniac et coupe l’ancienne route nationale de Saint-Malo, la N137, au Vieux-Bourg de Miniac-Morvan (à trois kilomètres et demi de la Barre).  C’est à cet endroit que l’on peut situer son intersection avec la voie 1-B, de Rennes à Alet  

         Notre voie coupe ensuite la voie express N137 et elle entre dans le département des Côtes-d’Armor par Beillac et la Haute-Folie (6). Elle pourrait avoir ensuite franchi la Rance par un gué, près de la Vicomté-sur-Rance, ou peut-être continuait-elle plus au sud jusqu’à Taden ou Lehon. Dans ces deux endroits, de nombreux vestiges archéologiques ont été retrouvés. Taden, passage obligé de la Rance, pourrait se trouver à la jonction de plusieurs voies et Lehon était une ville de garnison romaine, son fort protégeait la traversée du fleuve.(7).

           La direction générale de la voie indique ensuite la cité de Corseul. Son tracé rejoignait celui de la voie venant de Rennes. Loïc langouët en a repéré des tronçons. voir la voie 1-A de Condate à Corseul.

NOTES SUR LA VOIE :  

          Quoique le niveau des eaux étant moins élevé à cette époque que de nos jours, la traversée du Couesnon n’était certainement pas chose facile, du fait de l’amplitude des marées et aussi des vasières dans la baie. Alors d’autres passages plus au sud ont été envisagés 

          Cinq kilomètres au sud de Pontorson, se trouve le Guépéroux, village situé sur la rive droite du Couesnon. De l’autre côté, nous avons les communes de Sougeal puis Vieux-Viel. 

          Deux kilomètres encore plus au sud, nous avons un autre passage au Gué Périer. La voie pouvait venir de Sacey, dans la Manche, par La Courbe, ou par la Ville Perdue. On traversait alors au Gué Périer, puis on allait vers la Guérantonnais, la Passetais, la Pillardais, la Pinelais jusqu’au bourg de Trans. Le lieu-dit la Vieuville, en la Boussac pourrait indiquer une paroisse primitive. Cette toponymie à rapprocher de celle de Vieux-Viel. Au nord de la ville d’Antrain, nous rencontrons le village de Couesnon dont le nom caractéristique indique le passage de la voie. On peut suivre celle-ci sous la forme d’un chemin rural jusqu’au lieu-dit Villeneuve. Ce chemin longe l’orée sud de la forêt de Ville-Cartier et passe au Grand-Bois.

          On en retrouve un autre tronçon un peu plus loin vers l’ouest au nord du Grand-Mesnil (à noter tout près le lieu-dit le Bas Chemin). Ensuite son tracé n’est pas sûr mais il pourrait continuer dans la même direction vers le lieu-dit Ardennes, et ensuite vers les communes de Cuguen et de Lanhelin, le lieu-dit les Chapelles, et enfin Léhon, en passant par Lanvallay.            

         Le bourg de Baguer-Pican n’est, à l’origine, pas sur le tracé de la voie romaine mais l’histoire en a fait ultérieurement le carrefour de deux axes anciens.

        La création de Dol-de-Bretagne, au VIème siècle, par des émigrés bretons, va dévier le tracé de la route qui passait précédemment trois kilomètres plus au sud, et  ce afin de desservir la nouvelle cité. Le bourg de Baguer-Pican s’installe alors à proximité de ce Grand Chemin Nouveau, à l’intersection avec une autre voie orientée sud nord et menant vers la mer.

       Des calvaires anciens jalonnent toujours ces deux chemins. On peut suivre le tracé primitif de la voie, formant un temps la limite de la commune avec celle de La Boussac, sur tout le territoire de la commune, sous le nom de Chemin de Corseul ou Chemin du Han. Nous noterons également, dans les environs, plusieurs autres vieux chemins orientés vers le nord-est, et qui conduisaient certainement les pèlerins vers le Mont-Saint-Michel. 

   

RENVOIS : 

(1) Société archéologique d’Ille-et-Vilaine.

(2) C’est  peut-être une allusion aux bornes milliaires qui longeaient la voie. 

(3) Cacogne, le  chemin de Cocagne (de Gascogne), voir voie 2-C.

(4) Baguer-Morvan, paroisse citée dès le VIème siècle. Au manoir de Beauregard, ont été découverts des tessons de poteries gallo-romaines.

(5) Société archéologique d’Ille-et-Vilaine.

(6) Voies romaines des Côtes-du-Nord – J. Gaultier du Mottay

(7) Loïc Langouët, voie Avranches Corseul, dossiers du CeRAA. 1994

 

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