2-M VOIE D'ALET A LEHON

2 - M

 

Voie de Saint-Servan (Alet) à Lehon

près de Dinan

La Rue Anne

   

       On a supposé qu'une voie d'Alet à Léhon, le long de l'estuaire de la Rance, aurait pu occuper l'emplacement de l'ancienne route nationale 137, de Saint-Malo à Rennes, en passant par le bourg de Saint-Jouan-des-Guérets (1).  

       Trois tracés, complémentaires je pense, selon les horaires de marées mais aussi selon la période de l'année, sont envisageables. A la belle saison, et surtout à marée basse, les voyageurs pouvaient utiliser le gué de Jouvente, au nord de Saint-Jouan-des-Guérets, afin de traverser la Rance, ce qui leur évitait le contournement de toute la ria par le sud (voir détail voie 2-N).

la Passagère fragment statue 

la Passagère, fragment de statue utilisé en réemploi dans un mur

 

            La voie conduisait de la cité d'Alet, Saint-Servan, jusqu'à Quelmer, en suivant le chemin vicinal actuel par la Goeletterie. La traversée du fleuve se faisait à gué, à la Passagère (2), village au nom évocateur, sur une chaussée submersible à marée haute, l'estuaire de la Rance étant fortement soumis à l'influence des marées. Il est également possible que, dès cette époque, un bac ait existé, en direction de Jouvente, de l'autre côté du fleuve, près de la Richardais.

 

cale de Jouvente (2-M) 

  la cale de Jouvente, la Rance

       De là, la voie descendait vers le sud, en suivant la rive gauche de la Rance, jusqu'à Léhon, près de Dinan. Un embranchement conduisait de Jouvente vers Dinard, site déjà occupé à cette époque, en passant par le Haut-Chemin. 

      Dinard, du mot gaulois dunum, la butte fortifiée, est citée comme paroisse dès le XIIème siècle. Elle est née du démembrement de l'ancienne paroisse de Saint-Enogat, elle-même issue de l'antique paroisse de Pleurtuit. Le site fut occupé dès la préhistoire et la fontaine de Barbine aurait une origine très ancienne : son mur est construit en petit appareil. C'est également à Dinard que la tradition place un fort construit par le roi Arthur, au VIème siècle, sous le nom breton de Din-Arzh.

        Dinard a sans doute été édifiée à la jonction de deux voies romaines (3). La première menait d'Erquy à Alet, elle traversait la baie, suivait le tracé de la rue Jacques Cartier (ancienne rue Saint-Enogat)  et arrivait tout droit à l'oppidum. Elle était connue sous le nom de Haute Voie et elle pouvait ensuite rejoindre Saint-Lunaire, paroisse existant dès le VIème siècle. Son église date du XIème siècle et le tombeau de Saint-Lunaire est un sarcophage gallo-romain utilisé en réemploi. 

 

Vieille eglise de saint lunairela vieille église de Saint-Lunaire

 

Sarcophage saint lunaire

tombeau de Saint Lunaire, sarcophage gallo-romain en réemploi

 

       La seconde voie partant de Dinard menait vers Lehon et Corseul, par Ploubalay. La croix du Chemin de la Peyronnais date du VIIème siècle et son implantation au bord de l'ancienne voie aurait eu une fonction de borne milliaire.

 Croix riou pleurtuit

  Pleurtuit, croix Rious, la Peyronnais.

 

        Mais revenons à la traversée de la Rance. Le débit du fleuve dépend, en plus du phénomène des marées, de la pluviosité d'automne. Il fallait donc, à partir de cette saison, contourner la partie aval de la baie jusqu'à Saint-Jouan-des-Guérets, en suivant le tracé de la voie menant vers Rennes. On retrouve ainsi son tracé dans les toponymies des villages de la Haute-Rue et du Haut-Chemin, (à 2 200 m au sud-est de Saint-Jouan), sur la route qui relie le village des Gastines au bourg de Saint-Père-Marc-en-Poulet. On a signalé au XIXème siècle, à trois kilomètres des Gastines, sur le bord est de la route de Saint-Suliac à la Ville-ès-Nonais, un chemin pavé qui longeait par l'est l'ancien manoir du Bignon-Rangeard (4)  

         La voie traversait ensuite la commune de Châteauneuf-d’Ille-et-Vilaine sur une chaussée surélevée, à travers les zones marécageuses qui enserraient la ville, élevée sur son rocher : la situation de Châteauneuf en a fait le passage obligé et de nombreuses fortifications s'y sont succédé afin d'en défendre le verrou 

        Elle rejoignait ensuite la Ville-ès-Nonais, traversait le lieu-dit Port-Saint-Jean, puis elle franchissait la Rance aux environs du Port-Saint-Hubert. A cet endroit, le fleuve se rétrécit considérablement, étant barré par deux éperons rocheux qui s'avancent dans le fleuve, de chaque côté de celui-ci, et qui permettent d’établir aisément un pont.

 

Pont port st jean

 nouveau pont du Port Saint-Jean sur la Rance

 

           Nous avons, tout près de là, l'ancien fort du Châtelier qui eut certainement la mission de protéger la traversée à cet endroit.             

        En référence aux deux noms cités précédemment, à savoir Port-Saint-Jean et Port-Saint-Hubert, n'oublions pas que la Rance était navigable à l'époque romaine. Le transport des marchandises se faisait en grande partie par voie d'eau sur des embarcations à faible tirant d'eau, et l'on pouvait, moyennant finances, se rendre directement par bateau d'Alet à Dinan dont l'avant-port de Taden était très actif à l'époque romaine            

          Des traces de la voie nous sont également suggérées par la toponymie de certains lieux rencontrés : Au sud de Plouer-sur-Rance, nous avons les Dix-Croix, le Repos et le Bouillon, qui peuvent évoquer l'emplacement d'une hostellerie le long du chemin.

        La voie se continuait ensuite par le Tertre, la Hisse, Saint-Samson, et enfin le castrum de Léhon, dans la vallée de Dinan. Si nous envisageons un tracé plus au sud, afin de contourner l'estuaire à l'endroit où le fleuve est le moins large, la voie nous conduit ainsi jusqu'à Châteauneuf (voir voie 1-B, de Rennes à Alet) puis au Vieux-Bourg de Miniac-Morvan. La terminologie Vieux-Bourg indique souvent l'emplacement d'origine d'une paroisse ancienne qui, redoutant les invasions, s'est ensuite déplacée vers un site mieux placé ou plus à l'abri, tout en gardant son nom. Les habitations abandonnées devinrent le vieux bourg. Cet endroit marque sans doute le carrefour des voies d'Alet à Rennes et de Jublains à Corseul (voie 2-G).

        Ce second tracé s'infléchit ensuite vers l'ouest en direction de l'Hôpital, l'Hôtellerie, les Quatre Villes, et la Vieille-Vicomté (2) sur le territoire de la Vicomté-sur-Rance.  La Vieille-Vicomté et le Bourg-Neuf  pourraient aussi indiquer les traces d'une paroisse primitive. Un chemin part 500 m vers le nord, puis il reprend de l'autre côté de la Rance au Moulin de Rochefort.  Cet éventuel passage semblait protégé par le fort du Châtelier.

         La voie passait près du Châtelier puis elle rejoignait le Vieux-Bourgde Lanvallay. Quelques traces d'un chemin ancien sont encore visibles au Val Hervelin, puis au Gué Parfond.  

La voie arrivait enfin au pont de Lehon où elle est encore connue aujourd'hui sous son vieux nom de Rue Anne (5).

 

 

Vieux pont de lehon

le vieux pont de Léhon

 

 

 

 RENVOIS :  

(1) Histoire archéologique de l'époque romaine de la ville de Rennes - A. Toulmouche

(2) le nom évoque le passage de la Rance. Voir détail voie 2-N. 

(3) Bertrand Alexandre - 1869

(4) Recherche sur les voies romaines des Côtes-du-Nord - Gaultier du Mottay.

(5) Cette voie fut réparée au XVème siècle, sous le règne de la duchesse Anne de Bretagne. 

 

 

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