Les voies romaines en Ille-et-Vilaine
2-O
LE CHEMIN DOLAIS
voie Le Mans à Alet
Cette voie ne figure dans aucun document antique mais son existence est certifiée par le Vicomte le Bouteiller. Arrivant d'Alençon, vicus sur la Sarthe, elle a été signalée, passant d'Est en Ouest, depuis Gorron en Mayenne, jusqu'aux environs de Pontorson dans la Manche (1).
La commune de Geray, dans le département de la Mayenne, pourrait marquer un embranchement de la voie avec une bifurcation menant vers Corseul. Ensuite, après Gerey, son tracé a été identifié au village de la Dorée, à l'Abbayette, au Tertre de Montabon et à Landivy.
Après Landivy, elle entre dans notre département par Pautaubrée et rejoint Louvigné-du-Désert (2) en suivant sensiblement l'actuelle D14. Elle gagne ensuite Mellé et Saint-Georges de Reintembault avant de quitter une nouvelle fois, provisoirement, notre département.
Entre Louvigné et Mellé, on peut suivre son parcours par la Pierrelaye, la Haie et la Roche qui branle. Elle longe ensuite le ruisseau de l'Autrèche, passe au Bois Viel et rejoint à Mellé le Camp Gaulois. Elle longe les buttes des deux oppidums (3).
Ces buttes correspondent à deux mottes contigues, séparées par un large fossé. La plus haute, la Redonne, est entourée de fossés profonds et elle a une hauteur de dix mètres, sur un hectare. La petite est surnommée la Redoute. Il s'agirait de l'assise d'anciens forts en bois datant de l'époque carolingienne voire plus ancienne. Certains archéologues ont pensé à une origine gallo-romaine, c'est loin d'être certain.
On suit ensuite la voie par Chartrain, Vire, le Chef-du-Bois puis elle prend la direction de Saint-Georges-de-Reintembault. Elle sort de notre département deux kilomètres plus loin, vers l'ouest.
Elle traverse la partie sud du département de la Manche en suivant l'actuelle D230, par Saint-James, la Croix-Avranchin et Pontorson avant de se séparer en deux, la branche principale en direction d'Alet (voie 2-O), l'autre vers Corseul (voie 2-A).
La voie d'origine devait passer plus au nord. Certains archéologues pensent en effet qu'une chaussée antique pavée aurait traversé, il y a très longtemps, la baie d’Avranches depuis le département de la Manche, à l’est du rocher de Tombelaine, et aurait mené au Mont-Tombe (Mont-Saint-Michel), puis à Sainte-Anne. Près de Tombelaine, nous noterons d’ailleurs le nom du lieu-dit la Chaussée.
Plus tard, suite à l’envasement du marais, le tracé de la voie se déplaça vers le sud, empruntant la route actuelle D155, par la Haute-Ville jusqu’à Saint-Méloir-des-Ondes pour enfin rejoindre Alet. La voie franchissait le Couesnon à gué près du village du Pas-de Bœuf (4), à 1 300 m au nord-est de Saint-Georges-de Gréhaigne, et à 300 m au sud-ouest de l’étang de Moidrey. La toponymie « Pas » veut dire passage à gué, et Pas-de-Bœuf est sans doute une allusion aux chars à bœufs empruntant la voie.
église de Saint-Georges, sur une hauteur
Saint-Georges-de-Gréhaigne est une paroisse primitive qui remonterait à un ancien prieuré fondé par les moines de l'Abbaye Saint-Georges à Rennes (5). Le site pourrait avoir été occupé antérieurement.
Après le Pont-Ruffèle, la voie arrive à Roz-sur-Couesnon, elle y croise la route du Sel voie 1-D se dirigeant vers Rennes. Puis, suivant la direction de l'ouest, elle traverse Saint-Marcan, Saint-Broladre, et enfin arrive à la Haute-Rue, en lisière du marais.
carte de Cassini
Sous le nom de Chemin Dolais, elle rejoint la côte à Cherrueix, côte qu’elle suit en direction du Vivier-sur-Mer. A l'est du bourg de Cherrueix, nous noterons le lieu-dit le Bas-Chemin, et la ferme du Chemin Dolais, puis 2 700 m à l'ouest, le hameau de la Rue, et 4 300 m plus loin, l'ancienne chapelle Sainte-Anne (6) en Saint-Broladre.
chapelle Sainte-Anne
La voie se continue vers Hirel, Saint-Benoît-des-Ondes et Saint-Méloir-des-Ondes. A cet endroit, elle se sépare en deux. Un embranchement prend la direction d’Alet alors que l’autre rejoint Cancale. On retrouve d’ailleurs les traces d’un vieux chemin qui se suit depuis le sud de Terrelabouët, et passe par les lieux-dits le Pont, le Gué et la Fontaine-aux-Pèlerins. Dans ce dernier toponyme, nous pouvons voir une allusion aux anciens chemins de pèlerinage qui, au moyen-âge, longeaient la mer et menaient vers le Mont-Saint-Michel.
Les différentes communes précédemment citées datent toutes du XIème siècle mais des habitats y existaient bien avant cette date. La population de cette bande de terre, entre mer et marais, se partageait entre l’agriculture, la pêche artisanale et l’exploitation du sel dont plusieurs ateliers de l’époque romaine ont été mis à jour (7).
Plus au sud, Saint-Méloir-des-Ondes avait déjà une vocation agricole bien établie. A plusieurs endroits de la commune, ont été repérées les traces de villas gallo-romaines. La paroisse de Saint-Méloir est citée dès 993 et des moines y fondent un premier prieuré, sans doute à proximité de la voie.
Une première référence à Cancale est faite au XIème siècle mais le site est déjà occupé de longue date. D'importants dépôts de coquillages attestent d’une présence humaine et de la consommation des produits de la mer depuis plusieurs millénaires. La découverte d’objets de pêche de l’époque gallo-romaine laisse penser que le site primitif de la paroisse était situé au village de la Basse-Cancale et que son port se trouvait au village de Port-Pican (8).
NOTES SUR LA VOIE :
Un embranchement de la voie, aux environs de Hirel, pourrait l’avoir fait communiquer avec Corseul, après qu’elle avait traversé la Rance au passage de Jouvente, ou alors elle aurait rejoint la Ville-ès-Nonais, plus au sud (voir voie 2-M et voie 2-N).
Saint-Coulomb, camp fortifié du Meinga
A Saint-Coulomb, l'ancien camp du Meinga correspond à un éperon barré au bord de la mer. C'est un ancien fort qui couvrait une surface de 15 ha. On peut encore voir un fragment du mur d'enceinte.
La voie en direction d'Alet a pu avoir des fonctions militaires, Rua Karoli, chemin des Marches de Bretagne sous l'empire carolingien. Plus tard réutilisée comme chemin de pèlerinage, Chemin Montois, elle vit peut-être passer Saint-Louis après son étape à Louvigné, alors qu'il allait accomplir un pèlerinage au Mont-Saint-Michel.
Jean Alexandre a écrit sur Mellé, située à l'ouest de cette région frontière nommée Désert, suite aux guerres entre Bretons et Normands qui ruinèrent le pays vers les IXème et Xème siècles.
ARCHEOLOGIE :
Une présence celtique est attestée dans le pays de Pleine-Fougères : les mégalithes de la Roche-Bruquy, ceux d'Outres-Tombes à Saint-Broladre et le célèbre menhir de la Roche-Longue à Saint-Marcan, qui aurait paraît-il été érigé dans l'exact alignement entre le Champ-Dolent et le Mont-Saint-Michel. Notons également la découverte de tessons et de céramiques gallo-romains du 1er au 4ème siècle, au village du Léez en pleine-Fougères.
Le canton de Louvigné-du-Désert est également riche en histoire : Il possède quelques mégalithes à Monthault, qui fut sans doute également un ancien vicus gallo-romain sous le nom de Saint-Pierre des Bois. A Poilley, on a découvert des silex, des haches en bronze et en pierre polie à la Soissière-du-bas ; les vestiges d'une villa gallo-romaine avec un édifice thermal (datation du 3ème siècle de notre ère) à la Soissière-du-Milieu. Le bourg de Villamée serait le fundus d'une villa. A Louvigné-du-Désert, on a découvert au village d'Ozier des haches préhistoriques. Le lieu-dit Pierrelé vient du latin Petra lata, la pierre dressée. Ne serait ce pas là l'allusion à une borne milliaire?
RENVOIS
(1) Vicomte le Bouteiller - Notes sur l'histoire de la ville et du pays de Fougères.
(2) A Louvigné, au village d'Ozier, on a découvert des haches de pierre, des cercueils en calcaire coquillier et des urnes funéraires, preuves d'une occupation ancienne.
(3) Le département d'Ille-et-Vilaine - Paul Banéat.
Dictionnaire d'Ogée, fortifications gallo-romaines près de Monthault, au Moulin des Châteaux.
L. Maupillé cite deux mottes fortifiées, la plus grande se nommait la Redoute. Probablement carolingiennes, elles auraient précédé la construction de châteaux forts.
(4) Avant que les polders ne ferment la baie, les bateaux pouvaient remonter jusqu'au port du Pas-de-Boeuf.
(5) la paroisse de Saint-Georges de Gréhaigne remonte au XIème siècle. Son église, sur une hauteur, pourrait avoir été bâtie sur les ruines d'un monument plus ancien
(6) La vieille chapelle Sainte-Anne de Saintz (Sains) datait à l'origine du XIème siècle. Détruite par une inondation, elle fut reconstruite au XVIIème siècle. Le nom de Sains vient du latin sanctus.
(7) Voir voie 1-D
(8) Loïc Langouët - dossiers du CeRAA (d'Aleth)
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