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ELEMENTS DE TOPONYMIE

 

TOPONYMIE DES VOIES 

 

 

     En plus des traces matérielles de la voie et des monuments qui la bordent, l'origine des noms de villages et de lieux-dits a aussi son importance. De nombreux lieux ont conservé le souvenir des voies dans l'écriture de leurs noms.             

     Sur la carte, on trouve très rarement l’appellation voie romaine, mais plutôt Chemin des Romains, Chemin Romiou qui sont d’origine plus populaire. Le mot chemin et toutes ses déformations, en particulier l’appellation Grand Chemin, désignent souvent des voies romaines.

     Il faut aussi noter tous les noms en Voie, Voie Antique, Via Vieille, la Voie. Pour les routes comme pour les camps, le nom de César est devenu synonyme de romain, voire même d’antique. Il ne faudra donc pas non plus négliger ce nom.            

     Aux voies sont également liées des évènements militaires : la Bataille, la Rencontre, l'Assaut, le Chemin des Anglaissont autant de noms historiques, et les armées en présence sont obligatoirement arrivées par une route.            

      Le folklore a aussi sa place avec le Chemin des Fées ou le Chemin de Merlin, le Chemin du Diable, le Chemin de la Reine, le Chemin de la Pie ou de la Chèvre.

     Mais c’est surtout l’histoire qui nous rappelle les voies. Ainsi le Chemin Chasles évoque Charlemagne dans la voie romaine de Jublains à Corseul. On trouve aussi des chemins de la Duchesse Anne, de la Reine ou de la Reine Anne             

      De nombreux noms évoquent l’aspect de la voie. A cause de leurs remblais, les routes sont souvent nommées la levée. On trouve aussi des noms comme le Chemin Levé, le Chemin Haussé, le Haut-Chemin.            

    On trouve souvent ces noms sur les anciens cadastres. Ils correspondent à des localités et de lieux encore existants de nos jours. Le dallage, le pavage, ou en tous cas un fort empierrement, sont parmi les caractères les plus frappants des voies romaines. Nous avons des Chemin Pavé, le Champ du Pavé, le Pavé du..., la Paveillais, la commune de Saint-Aubin-du-Pavail, puis des noms comme le Chemin Perré, le Pierray, le Pierreux, la Perrière, Peroux, Perré, le Peroux, Perray...

     Ce sont aussi des Chemin Ferré, le Ferré, Ferrière, Ferraie, Chemin d’Aucfer ou d’Auquefere, Chemin du Quefere. Dans ce cas, le nom fait allusion aux scories de fer souvent employées dans la construction de la voie. D’autres portent des noms dérivés de Calciata, la voie : Chemin Chaussé, la Chaussée, la Chaussairie ainsi que la commune de la Chapelle-Chaussée

     Cependant le terme le plus reproduit en toponymie est strata, via strata. C’est la voie pavée ou sablée, mais non dallée. On retrouve ce nom dans les divers Estrée, ainsi que de nombreux dérivés comme Etrelles. La Charrière vient de strata. La Rue, Pierrue, la Pierre, Pierrelé et Dompierre-du-Chemin, des expressions comme le Pas, Apas, Maupas, Franpas, ou alors le Ruau (la rue), les Coureaux, la Cour sont autant de formes déviées du mot.

     Attention cependant au mot rue souvent rencontré dans les campagnes d'Ille-et-Vilaine. Cette toponymie gallèse ne signifie pas toujours le chemin mais la cour de la ferme, et par extention la ferme. Il conviendra d'être prudent. L’évocation de bornes milliaires nous donne Millaire, Millière, Milhière, la Millerie, la Milleraie, la Pierre, Belle Pierre, la Pierre Levée, Colonne, Colombe, la Borne, la Haute Borne, Pierrefite, Lafitte, Fitte, la Pile, la Pilais.

 

   

    1-10-2005 - 10h04 Borne milliaire romaine Etablissement thermal Vichy 03200 Photo numérique : Francis CAHUZAC

 

exemple de borne milliaire

 

Egalement les vieilles croix peuvent servir à nommer les lieux souvenirs de Milliaires. Ces croix ont été dressées le long des vieux chemins. Ainsi, nous avons la Croix aux..., la Croix de ..., Belle Croix.

 

 

Plélan croix Trécouet (2-P)

 
vieille croix - Plélan le Grand

 

Les bornes leugaires (indiquant les distances en lieues) donnent Pontlieue, la lieue ou Tiercelieue. Ad Tiercum, ad quartum lapidem font Tercé, le Tiercent, troisième borne de la voie. Quartis, la Quinte, Sixt-sur-Aff qui représente la sixième borne. Il faut cependant se méfier car beaucoup de noms ayant une origine romaine viennent de prénoms latins comme Primus, Secundus, et ne désignent à l’évidence pas une voie.

 

Les  carrefours et intersections de routes ont laissé des noms souvent très caractéristiques. On y trouve fréquemment les traces de monuments religieux.

 

 

batiments-voie.jpgphoto aérienne, traces d'un ancien établissement sur le bord de la voie 

 

Ces différents croisements sont le Bivium, embranchement d’un chemin secondaire, le Triviumou bifurcation, et le Quadrivium, croisement de deux routes. Ceci nous donnera des noms comme Trèves, Tribes, les Tribes, la Trève. Dans le bas latin, Trivium est remplacé par furca : les Fourgs, Fourg, Fourc, la Fourche, la Fourcherie. Quadrifurcum a donné le mot français carrefour. Nous retrouvons Quadrivium dans le Carroi, Carroir, Caro, Carentoir, Queyroix, Carrouge, Charroux.

 

Nous ajouterons les expressions d’origine française comme les Quatre Chemins, les Quatre Routes, les Quatre Vents, la Patte d’Oie, et les dérivés de la Croisée : Croisette, Croisade, Crusié, Croixalian, la Croixille, ainsi que le mot Croix lui-même.

 

Les déformations particulières de la route sont autant de repères. Ainsi Angustum est un passage étroit qui est devenu le Pas, le Pas de, Angers.  Les Courbevoie, la Courbe, Tournevoie ont aussi une signification liée à la voie. Flexus est un  coude de la route ainsi que le Coudray (coude à droite).                       

        Aux frontières des cités, nous avons le caractéristique ad Fines : Feins, Iffendic, mais également la Marche. Equoranda, la limite, la séparation entre deux cités par un cours d'eau, donne Ingrandes, Aigurande, Evran, le Levran, Lesvran.

          Les noms peuvent être ceux des peuples : Redon – pays des Riedones,  Bazouges – pays des Bazoches, ou Corseul – pays des Coriosolites, Vannes - pays des Vénètesou Combourg, la borne.  

 

           pont romain

Vieux pont romain  

        Beaucoup de ponts anciens ont une origine romaine. Leurs fondations ont été réutilisées comme assise aux piles des ponts du Moyen-Age. De plus, les lieux en ont gardé le souvenir et, dans beaucoup d’expressions contenant le mot pont, nous pouvons voir les traces de la voie. Nous avons le Pont-Péan sur la voie Rennes-Nantes (sur la Seiche), Pont-Réan sur la voie Rennes-Rieux (Vilaine), ou bien Pont-Romain, Pont-Veix, le Vieux-Pont ou Pontaubault et Pontivy qui vient de pontus vetus (ou vicus). Attention, pont est un mot souvent très déformé. Il importera donc, pour toute étymologie de ce genre, de vérifier si ce lieu se trouve bien sur un passage de rivière, et si possible de retrouver le nom antique de cette rivière (exemple la rivière la Seiche, Sipia). 

       Assez souvent, le pont succède à un gué et nombre de routes romaines ont conservé leur gué en plus du pont. Les dérivés de Vadum, le Gué, Vé, gois, sont d’utiles repères. Nous avons ainsi le Gué-Main, sur le Couësnon (voie Bayeux-Corseul) ou le Gué-Péroux, le Magois (comprendre dans ce dernier toponyme le mauvais gué). Le nom de la commune de Gaël vient de Wadel (Vadum), gué sur la voie de Rennes à Carhaix.

      A noter également les composés en Fort. Au latin Vadum correspond le gaulois Ritos : Augustoritum, Banoritum, Camboritum (Chambord),  Nevoritum (Niort).  

       Très souvent une station porte le nom de la rivière que traverse la route, par exemple Visseiche (Vicus Sipiae) sur la voie Rennes-Angers. Tel lieu, au bord la rivière, en porte le nom et pas un autre, c’est tout simplement parce que c’est cet endroit, près de la voie, qui représentait la rivière pour le voyageur. Souvent, une bourgade s’est créée sur l’une des berges : c’était lié au gué. Par exemple, le gué de Gaël fut un carrefour favorable à la création d’un marché ou d’un pont. Nous aurons aussi des lieux comme le Val-de-l'Isle ou la Rivière.

      A défaut de ruines ou de vestiges, les noms des stations routières sont conservés dans la toponymie. Les plus importants sont Vicus (bourgade, village). Ceci a donné Vic, Vicq, le Vy, Vieu, Vieux, Vuic, ainsi que des composés comme Volvic, Vigneux, Vignoc, Vieux-Vy-sur-Couesnon, la Vieuville, Vieuxviel et Visseiche.

      Nous avons aussi magus, le marché ou le champ de foire. Omagus donne souvent ome ou on : ainsi Riom, Ballon, Baulon, Charenton, Carenton, Cranton, Mauron. Des villes furent à l'époque romaine des lieux de marché, des centres régionaux de commerce. Ainsi Condatomagus (Rennes sous l'empire), Rotomagus (Rouen), Noviomagus (Noyon), Turnomagus (Tournon), Vindomagus (Vendon). Il faut s’intéresser à tous les noms finissant par on ou om, que l’on retrouve dans des formes vulgaires au Moyen-Age. 

     Le relais de poste, mutatio, est resté dans le souvenir de quelques noms de lieux : Muizon, Mudaison. Mansio (habitation) a donné notre maison. Les dérivés en sont Mesnil ou Margny, Marigné. L’actuel mot Maison est aussi à noter.

     On ajoutera les Borde, BordeauxBordel, Laborde ; à l’origine, c’est une clôture de planches, puis une maison en bois, et de là une baraque, une métairie. Les bordes longeaient souvent les routes.  

        Les Castres, Chastres, Châtelet, Châtillon, le Châtelier désignent un Castrum, un Castellum, et sont très nombreux le long des voies. Ils jalonnent les routes, et leur emplacement est souvent celui d’une ruine romaine ou d’un château du Moyen-Age. 

 

             

Ancienne motte féodale, vestige d'un castrum

 

       Beaucoup de noms sont dérivés de mots latins désignant des habitations, des stations ou des maisons longeant la route. Canaba (la cabane) devient en langage populaire le cabaret. Ainsi nous avons Chenevière, Canebière, Capane, Chabane, Chavanne, Chavagne, Chevaigné ou Chauvigné. La maison, casa, est un nom trop commun pour entrer en ligne de compte. Elle n’indique pas toujours la voie : Case, Chase, Chèze, la Chaise, mais par contre des ruines antiques.

         Les tabernae sont des tavernes. Elles deviennent Savernes, Savenay, Taverne, Tavers, Tavernières, Taverny. Attention car taverne est un mot français, et beaucoup de ces lieux peuvent ne remonter qu’au Moyen Age. Il faut déjà connaître le tracé de la voie avant d’y associer ces noms. 

        La Bouëxière est un petit bois de buis. Les Romains plantaient beaucoup de buis autour de leur demeures. Ces buis, abandonnés lors des invasions barbares, devinrent des bois appelés buxeria, et plus tard boués, en patois gallo, du latin buxus, le buis.

       Les ruines ou maceriae  ont donné naissance à de nombreux noms de lieux : la Mézière ou Mézières-sur-Couesnon, Maizière, le Mezeray, Maizeret, Mazeret. Le plus souvent, ces noms viennent de localités du Moyen Age, bâties sur des ruines. C’est un indice assez significatif de la présence de la voie. 

       Il en est de même pour les Mur, la Salle, les Salles, Perraille, Paraille, les Pierres , mots issus du latin petra, et qui nous font penser à des maçonneries. 

       Les établissements industriels ne sont pas des indices sûrs (ils sont implantés selon les besoins ou la matière première, pas forcément à côté de la voie). On trouve des Châtelet, Châtellier, restes de forges. Il y a aussi Ferrière, Ferrère, le Ferré, qui paraissent liés aux gisements (voir aussi Argentières, Argentré-du-plessis et Laurières).

        Fabrègues, Faverge viennent de fabrica, la fabrique, l’usine.

        Figliane a donné des noms comme Félines, Flinies, Fleins, Filaine, Filain. 

      Olla, le pot, a formé Ollaria (fabrique de poteries), ce qui nous donne l’Oulerie, Loulière, les Houliers. Beaucoup de noms français rappellent aussi ces lieux : la Tuilerie, la Poterie, la Poteraie. Mais l’âge de ces établissements d’industrie reste toujours à vérifier, et, une fois prouvé, n’est pas forcément une situation de proximité de la voie.              

      Les Maisons Rouges, du latin rubia, sont un des indices les plus significatifs du passage d’une voie. Maison-Rouge, Croix-Rouge, Carrouge, Ville-Rouge, Rougé, Rougeul, tous les noms en rouge et quelquefois en blanc indiquent la voie. L’explication de ces noms demeure incertaine. Le nom de  Maison-Rouge s’applique soit à des localités, soit à des bâtiments (auberges, hôtelleries) d’origine romaine. Pour maison, on pourrait voir un rapprochement avec mansio (auberge). Quant au mot rouge, les maisons antiques étaient badigeonnées de rouge, ou tout simplement construites de briques non enduites. Cette couleur vive les a fait distinguer aux voyageurs, leur offrant un repère visuel. Maison-Rouge est une preuve presque incontestable du passage d'une voie.            

        Depuis les Tumuli et cairns préhistoriques jusqu’aux cimetières mérovingiens, les monuments funéraires ont été souvent disposés le long de la route. Nous trouvons en bordure de voie des lieux-dits Champ des Tombes, la Tombois, la rue des Tombeaux.

      Le cimetière, atres, peut désigner un cimetière d’église ou de monastère. Comme ces derniers ont occupé la place de tombes plus anciennes, les mots dérivés d’Atres sont à prendre en considération. Nous avons ainsi Lastre, l’Astre, Astrée, l’Atre, l’Atte, Latte, le Hêtre, les Hêtres. Nous avons également Martres, Martrois qui sont souvent des buttes représentant des cimetières romains ou mérovingiens.

       A rapprocher le Martray, Marterey, Martois, Martel, Mercé, Martigny, Martigné-Ferchaud. Ces noms dérivés du cimetière martyretum se trouvent en général hors des villes, le long des axes qui en sortent.

 

sarcophage gallo-romains en calcaire coquillier (Dol de Bretagne)

 

       Les dérivés du mot pierre nous donnent Pirelongue, Peyrelongue, Peyrelade, Peyrade. Lestelle, l’Estelet viennent de la stèle. On trouve également des Tours, Tourette, les Toureilles, Toury qui évoquent le souvenir des monuments qui balisaient les bords de la voie.

      Les Montjoie désignent toute colline artificielle, hauteur, butte ou simple tas de pierre, servant de repère aux voyageurs, et du haut desquels ils pouvaient apercevoir la direction de la route et le pays environnant. Ce nom, en joie, pourrait être à rapprocher du dieu Jupiter (Jovis).

          Les sanctuaires des dieux romains se trouvaient souvent le long des routes et certains lieux ont gardé le nom du dieu. Dans certains cas, les temples étaient sur une hauteur d’où ils dominaient les passages. Ainsi, nous trouvons des dérivés de Fanum, fa, fan, fain. Corseul s’appelait Fanum Martis (le temple de Mars). Nous avons d’autres exemples tels Fanum Minervae, Fanum Jovis.

Le dieu Mars a souvent été associé à Saint-Martin, évêque de Tours, par christianisation du mot : le Gué-Martin, la Martinière, Martigny, Saint-Mars

 

Jupiter a laissé des souvenirs le long des voies dans Montjoux, Mont-jouvet, Montgien, Juvigné, Juvigny, Saint-Juvat, Jouvence, Jouvente.

       Les composés du mot temple, Templum, deviennent Talmars,Templeux, Templemas, Temploux. Attention, certains noms en Temple viennent des chevaliers du Temple, les Templiers. Ce sont souvent des noms en le Temple sur, il ne faudra pas les confondre. 

         Les dérivés de lucus, le bois sacré, sont très nombreux : Luc, Lux, Luquet, Luzat, Luard,Lecot, Luette, Luez, Grand Lup, Grolu, Orleuc, Leuches, Lécu, Lécousse. Lucus peut avoir un autre sens, il est synonyme de silva, la forêt. C’est par l’archéologie que l’on pourra distinguer le lucus qui correspond à un bois sacré.

         Le dieu Mercure nous donne Mercoeur, Mercueil, Merqueux, Mercoret, Marcoule, Mercurey, Mercy. Ce dieu a une origine gauloise ainsi que Belenus  (Blain), Granus, Travos ou Artos. 

          Les grandes invasions des Vème et VIème siècles puis les pillards Vikings feront fuir les populations loin des routes, trop faciles d’accès. On reconstruit le village, caché dans la forêt, protégé sur une hauteur, et le vieux bourg est abandonné. Tous les noms en Vieux-Bourg, Vieuville, Vieux ou la Ville Vieille, sont à repérer comme ayant une origine ancienne.              

        En conclusion, avant d’aborder les tracés des voies, n’oublions pas que, dans tous les cas, c’est d'abord l’étude du sol qui aide à fixer l’origine des lieux, et non pas l’inverse. La toponymie ne doit pas être étudiée seule, mais toujours dans le contexte de l'archéologie.

 

 

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